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Consommateurs, travailleurs, citoyens – de l’idée à l’action

Agir pour améliorer les conditions dans lesquelles vivent et travaillent celles et ceux qui fabriquent nos vêtements, c’est possible. Vous avez envie de vous impliquer, mais vous ne savez pas comment ? Ce dernier module trace les grandes lignes d’une série d’actions collectives qui peuvent être mises en place par des groupes de consommateurs, mais aussi des organisations de travailleurs et de citoyens. C’est en additionnant nos efforts que nous y arriverons !


Notes

  1. Le salaire minimum vital proposé par l’Asia Floor Wage (AFW) est basé sur le revenu nécessaire à un travailleur ou une travailleuse pour couvrir les besoins essentiels d’une famille constituée de 4 personnes (2 adultes et 2 enfants). Pour plus d’infos : http://www.achact.be/Salairevital-AFW.htm
  2. Différents collectifs étudiants du campus de Louvain-la-Neuve ont contacté le fournisseur de leur choix, auprès duquel ils ont commandé des vêtements promotionnels fabriqués par des entreprises membres de la Fair Wear Foundation. Ces dernières se sont engagées de manière sérieuse et transparente à respecter les droits des travailleurs dans leurs filières d’approvisionnement (voir « Pouvoir d’achat). 
  3. À ce propos, achACT met à disposition des acheteurs publics un Mode d’emploi de l’achat public écologiquement et socialement responsable.

Malgré de belles victoires, telles que l’indemnisation des victimes du Rana Plaza ou l’augmentation progressive du salaire au Cambodge, le chemin est encore long avant d’arriver à la réalisation complète des droits fondamentaux des travailleurs et des travailleuses qui fabriquent nos vêtements. La liberté d’association reste ainsi un défi crucial dans la plupart des pays de production où le syndicalisme est souvent réprimé voire interdit. C’est un prérequis à la réalisation d’autres droits essentiels, tels que, par exemple, l’obtention d’un salaire vital (voir « Win for life » et « Tous Unis »), la contractualisation de la relation d’emploi (voir « Chine à domicile ») ou la sécurité sur le lieu de travail (voir « Un contrat à respecter »). Le respect de ces droits passe donc avant tout par le soutien et le relais des demandes des travailleurs organisés.

Les défis à relever sont de taille. Les différents modules ont dressé un panorama des combats menés par les travailleurs, leurs organisations et leurs alliés à travers le monde : garantir la justice aux victimes d’effondrements et incendies d’usines (et autres accidents de travail) ainsi qu’à leurs familles, par l’accès à des voies de recours efficaces (voir « Justice ») ; assurer le respect et la multiplication d’accords juridiquement contraignants entre syndicats et entreprises (à l’image de l’Accord pour la sécurité des bâtiments d’usine au Bangladesh ou du Protocole indonésien pour l’exercice de la liberté d’association (voir « Un contrat à respecter »)) ; encourager l’adoption par les États d’un traité international relatif aux entreprises et aux droits de l’Homme, avec pour objectif de contraindre les marques et les enseignes à la transparence et à la diligence raisonnable vis-à-vis de leurs filières d’approvisionnements (voir « Règles du Jeu » et « Rana Plaza »).

Comment répondre à ces challenges?

« Ce qui est important, explique Jennifer Van Driessche de Solidarité mondiale, c’est de montrer aux citoyens qu’il est possible d’avoir un impact. En Belgique, en Europe, il y a une sorte de défaitisme qui nous amène à penser que le système est trop compliqué et déconnecté, qu’il est impossible de faire bouger les marques, que les multinationales sont toutes-puissantes... Bien au contraire, les multinationales, surtout dans l’habillement, dépendent de leurs consommateurs, c’est-à-dire de chacun d’entre nous. Envoyons-leurs un message clair: Non, le salaire des travailleurs à la base, ce n’est pas un détail! Moi, en tant que citoyenne, je veux que le prix que je paie pour un t-shirt puisse aussi financer la travailleuse qui l’a fait. »

Beaucoup penseront d’abord à choisir leurs vêtements en privilégiant des alternatives plus respectueuses des droits des travailleurs (voir « Pouvoir d’achat »). Mais changer le monde ne se fait pas tout seul ! C’est en transformant une somme d’actions individuelles en une démarche collective que l’on obtiendra des avancées tangibles.

La preuve ? Les résultats du travail de mobilisation et d’interpellation mené sans relâche par la Clean Clothes Campaign.

La Clean Clothes Campaign, une force internationale et citoyenne de solidarité avec les travailleurs de l’habillement

Lorsqu’achACT appelle à l’action ou propose une pétition, sur un festival, en rue ou sur son site internet, il s’agit à chaque fois de prendre part à un élan international de solidarité fondé sur les demandes de travailleurs et coordonné sur le plan international.

Construire des ponts et mettre en œuvre une solidarité mondiale entre les travailleurs de l’industrie de l’habillement, les consommateurs, les citoyens et les autres travailleurs est pour achACT et la Clean Clothes Campaign un moyen puissant de s’attaquer à la responsabilité des entreprises dans les filières d’approvisionnement mondialisées. Les actions mises en place par le réseau ont un impact positif sur les droits des travailleurs, comme le prouvent les deux exemples qui suivent.

En juin 2015, le Fonds d’indemnisation des victimes du Rana Plaza atteint les 30 millions de dollars nécessaires à l’indemnisation complète de l’ensemble des 5.000 ayants-droit, c’est-à-dire les familles des travailleurs tués et les travailleurs blessés. Cette victoire est le résultat de deux années de fortes mobilisations citoyennes en soutien aux victimes menées par achACT et la Clean Clothes Campaign. Plus d'un million de citoyens d'Europe et du monde ont participé à des actions d’interpellation des enseignes qui s’approvisionnaient dans une des cinq usines hébergées dans le Rana Plaza. Ces actions ont forcé de nombreuses marques à contribuer au Fonds d’indemnisation. Un an plus tard, ce sont les familles des 112 travailleurs tués dans l’incendie de l’usine Tazreen (2012), toujours au Bangladesh, et celles des 262 travailleurs tués dans l’incendie de l’usine Ali Enterprises (2012), au Pakistan, qui obtiennent la garantie d’être indemnisées. Une fois de plus, cette réussite est uniquement due à la mobilisation citoyenne internationale.

L’augmentation progressive du salaire minimum des travailleuses cambodgiennes constitue également une illustration parlante de l’impact des actions collectives. Depuis 2010, elles se mobilisent au sein de syndicats indépendants pour revendiquer des hausses importantes de leurs salaires. achACT et ses homologues de la Clean Clothes Campaign n’ont eu de cesse de soutenir ces mobilisations en relayant les revendications vers les enseignes qui s’approvisionnent au Cambodge et en interpellant le gouvernement cambodgien pour qu’il augmente le salaire minimum et cesse de réprimer violemment le mouvement de protestation. Ces actions ont permis de passer d’un salaire minimum de 56$ en 2010 à 153$ en 2017. Certes, le salaire minimum actuel reste largement inférieur au minimum vital – selon l’Asia Floor Wage, celui-ci devrait atteindre 300$ (2015) pour couvrir les besoins fondamentaux des ménages. Mais c’est grâce à la mobilisation des travailleuses, soutenues au niveau international par la Clean Clothes Campaign, que leur salaire a été augmenté de près de 175%.

Des collectivités de consommateurs qui s’engagent

En unissant les voix des travailleurs et des citoyens du monde entier, il est possible d’obtenir des résultats significatifs dans les pays de production. Le moment est donc venu de sortir de notre peau de consommateur isolé pour considérer de nouvelles perspectives d’action, pour passer de l’individuel au collectif.

Vu sous cet angle, l’impact des collectivités de consommateurs devient évident : lorsqu’on achète des dizaines, des centaines voire des milliers de vêtements, on a davantage de poids que le consommateur isolé. Pour faciliter les achats collectifs, tout en les conditionnant au respect de normes sociales par le fabricant, différentes alternatives existent : Julien, du Kot Planète Terre à Louvain-la-Neuve : « Cette année, nous avons décidé de tenir compte des conditions de travail dans lesquelles sont produits nos vêtements de kot, c’est pourquoi nous les avons commandés auprès d’entreprises qui se sont engagées à respecter les droits des travailleurs (voir le site achact.be/tshirts). C’est une démarche importante pour beaucoup d’entre nous. D’ailleurs, nous avons présenté ce projet nommé Fair Wear LLN lors de notre tournée des kots, et il a fait un carton ! » . D’autres campus pourraient rejoindre le mouvement. Les clubs de sport ont la possibilité de faire de même pour leurs équipements et les entreprises peuvent prendre le pli d’acheter des vêtements professionnels produits dans de bonnes conditions de travail. Enfin, les communes et autres collectivités publiques ont également un rôle à jouer, puisque les achats publics représentent en Europe environ la moitié du marché de vêtements de travail.

Des délégués syndicaux qui s’impliquent

Les acheteurs collectifs et publics ont donc entre les mains une réelle possibilité d’influencer le comportement des entreprises de l’habillement. Mais ils ne sont pas les seuls, loin s’en faut ! Les syndicats, entre autres, disposent également d’outils d’action efficaces : « Nous avons formé et accompagné des délégations syndicales d’entreprises de production de vêtements de travail et de blanchisseries, explique Filip Misplon de la FGTB-Centrale Générale. Avec elles, nous avons analysé les engagements des entreprises relatifs au respect des droits des travailleurs sur les lieux de production des vêtements. En tant que FGTB-CG, nous estimons que les entreprises belges doivent adapter leur politique d’approvisionnement pour respecter les droits des travailleurs et accepter un contrôle indépendant sur leur filière, par exemple en devenant membres de la Fair Wear Foundation, un organisme de vérification multipartite qui accompagne et soutient les entreprises membres dans l’amélioration progressive des conditions de travail sur les lieux de production. »

Nous quittons ici le domaine des pratiques de consommation, en élargissant l’action au dialogue social en entreprise. À ce titre, la solidarité de filière entre travailleurs de la distribution et travailleurs de la production peut être décisive au moment de faire pression sur la marque ou l’enseigne pour qu’elle assume sa part de responsabilité. Delphine Latawiec, de la CNE Commerce, explique : « La CNE a organisé avec achACT deux jours de formation pour les délégués syndicaux des distributeurs de vêtements. Les délégués ont notamment eu la chance de rencontrer Amirul Haque Amin, le président du NGWF, le plus grand syndicat des travailleurs de l’habillement au Bangladesh. Suite à cette formation, les délégués étaient outillés pour questionner leur direction sur les conditions de travail dans les filières d’approvisionnement de leur entreprise. Certains ont suivi la mise en œuvre de l’Accord au Bangladesh par leur entreprise, d’autres ont relayé les revendications des travailleurs cambodgiens qui revendiquent un salaire décent ». Les travailleurs employés dans la distribution sont directement concernés par la manière dont leur entreprise assume sa responsabilité en matière de respect des droits de leurs homologues dans les pays de production, puisqu’ils sont soumis aux mêmes stratégies visant à maximiser les profits de court terme ainsi qu’à leurs sinistres conséquences.

Des organisations de citoyens qui se bougent

À l’instar des syndicats, nombreuses sont les associations qui se mobilisent en faveur des droits des travailleurs et obtiennent des résultats. Brigitte Laurent de l’ACRF - Femmes en milieu rural raconte : « En menant l’action d’inspection du magasin H&M à Namur, nous avons soutenu les femmes qui, à l’autre bout de la filière, au Bangladesh, produisent nos vêtements dans des conditions qui restent dangereuses. À force d’exiger que H&M respecte l’engagement pris en signant l’Accord sur la sécurité des bâtiments et la prévention incendie, nous avons contribué à accélérer les réparations des usines et particulièrement la sécurisation des issues de secours. Notre action ici, en Belgique et à travers l’Europe, a eu un impact sur la sécurité des travailleuses au Bangladesh. »

Les organisations mettent également la pression sur les entreprises en publiant des rapports d’investigation, à l’image de celui diffusé par Test-Achats à l’occasion de l’Euro 2016. Christian Rousseau explique les raisons qui ont poussé l’organisation à publier ce rapport sur les conditions de travail dans les usines qui produisent les vêtements de sport : « Dans le cadre de nos enquêtes sur les marques de vêtements, mode et chaussures, nous n’avions pas encore abordé les vêtements de sport. Il y a bien sûr les marques internationales qui captent l’attention et le marché, et à qui nous demandons régulièrement des comptes. Mais des marques ‘B’ montent également en puissance, parfois appuyées par un puissant réseau de distribution. C’est le cas de Décathlon, Sports Direct ou Intersport. Au minimum nous leur demandons de faire la transparence sur leurs fournisseurs et les conditions de travail qu’ils imposent. Ou pas. Cela reflète une préoccupation croissante de nos membres et du public belge en général pour une consommation plus durable et éthique. Néanmoins le prix, les effets de mode et les questions environnementales devancent encore et toujours les exigences sociales dans les décisions d’achat. »

Enfin, certaines organisations soutiennent des demandes politiques claires en faveur des droits des travailleurs et rappellent à l’État ses obligations en matière de droits de l’Homme. Pour Michel Cermak du CNCD – 11.11.11, « la garantie des droits fondamentaux des travailleurs de l’habillement passe aussi par l’adoption d’un traité qui contraint les entreprises multinationales à respecter les droits de l’Homme dans leurs pratiques et filières d’approvisionnement. Le CNCD-11.11.11. et achACT soutiennent cette initiative proposée par plusieurs pays du Sud au sein de l’ONU. Nous invitons la Belgique et l’Union européenne à prendre part activement et de bonne foi aux négociations pour garantir aux victimes de violations des droits humains un accès à la justice. ». 

Alors, convaincu(e) ? Envie d’agir avec nous ?

achACT met régulièrement en place des actions d’interpellation, des campagnes et des appels urgents pour soutenir les demandes des travailleurs et exiger que les entreprises et les États respectent et garantissent leurs droits. Et vous l’avez constaté, ces initiatives peuvent déboucher sur des résultats concrets et des victoires pour les travailleurs.

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